L'avenir de la ferme bio du Petit Sart, à Grez-Doiceau, est-il menacé ? Les responsables de cette exploitation modèle et de la fondation Générations.bio qui y a vu le jour sont en tous cas très inquiets. La raison, c'est un projet de zone d'expansion de crue et de digue pour protéger le centre de Grez-Doiceau des inondations. Ceux-ci seraient placés sur des terres actuellement occupées par la ferme, avec des conséquences désastreuses pour ses activités et celles de la fondation, notamment en termes de pollution. Les occupants de la ferme du Petit Sart ont décidé de se battre. Ils estiment, en plus, que l'emplacement choisi par la Province pour installer l'ouvrage n'est pas adéquat. Celle-ci se base pourtant sur une cellule d'experts.
Un coup de poing dans la figure
Imaginez une digue de 140 mètres de long, 28 mètres de large et 5,5 mètres de haut. Voilà le projet déposé à l’enquête publique actuellement par la province du Brabant wallon. Une zone d’expansion de crue pour recueillir les eaux du Piétrebais et protéger Grez-Doiceau. Mais dans le champ où doit s'élever l'ouvrage, Hubert Del Marmol a cultivé 20 tonnes de petits pois bio cette année. "J'ai reçu la nouvelle comme un coup de poing dans la figure", avoue-t-il. "Si on me retire 15-20% ou plus de ma surface, donc de mon gagne-pain, et ici c'est une de mes bonnes terres, je ne sais plus rembourser mes emprunts. Est-ce que vous êtes prêt à perdre 15-20% de vos revenus ?"
Le bon sens paysan
Pour Hubert Del Marmol, la réalisation de ce projet menacerait directement la survie même de la ferme bio du Petit Sart et de la fondation Génération.bio qui y a vu le jour, véritable laboratoire des bonnes pratiques agricoles fréquentés par des stagiaires et des scientifiques du monde entier depuis sa création il y a quelques années. Il comprend mal pourquoi cet endroit a été choisi. "Je pense qu'il faut faire quelque chose pour protéger les habitants de Grez-Doiceau des inondations. Ca, c'est évident. Avoir sa maison inondée, c'est horrible. Maintenant, sur 100% des eaux qui arrivent à Grez-Doiceau, 70% viennent du Train, c'est-à-dire de Chaumont-Gistoux et 30% de la vallée du Piétrebais. Et on veut faire un ouvrage dans la vallée du Piétrebais. Bien...mais mon bon sens paysan me dit que quand mon seau est troué, que j'ai un petit trou et un grand trou, je commence par boucher le grand". Dans la vallée du Piétrebais, l’agriculteur estime que d’autres endroits seraient plus opportuns, comme la prairie des grosses pierres, en amont, sur la commune d'Incourt.
L'intérêt général contre l'intérêt particulier
Un terrain en zone rouge toutefois jugé beaucoup trop onéreux par la province, et potentiellement trop peu efficace. Celle-ci n’a pas choisi les terres d’Hubert Del Marmol par hasard, elle se base sur l’avis d’une cellule d’experts. "Je suis gestionnaire, en tant que responsable provincial, des cours d'eau de deuxième catégorie. Un bureau d'étude extérieur me dit que c'est à cet endroit-là qu'il faut le faire...si j'imagine de le faire ailleurs, je risque de me faire casser mon projet par le conseil d'état", précise Marc Bastin, le député provincial (MR) en charge de la matière. "C'est évidemment compréhensible qu'il ne soit pas totalement d'accord avec le projet mais je dois, moi, privilégier l'intérêt général par rapport à l'intérêt particulier. En n'oubliant jamais que nous sommes en négociation depuis à peu près 10 ans, en essayant de trouver toute une série de solutions qui n'ont pas satisfait Monsieur Del Marmol. Et en sachant qu'il a pu acquérir d'autres terres qui appartenaient à la commune ou au CPAS de Grez-Doiceau. Cela peut paraître paradoxal, mais évidemment, la Province soutient à fond les initiatives comme celle de Monsieur Del Marmol. C'est peut-être difficile à comprendre, mais je n'ai pas le choix. J'ai une étude extérieure qui me dit que c'est ici qu'il faut le faire. Maintenant, on espère que ces terres ne seront jamais inondées. Quand on parle de terrain inondable, il ne s'agit pas de 11 hectares comme Monsieur Del Marmol a pu le dire, on parle de potentialité d'inondations de 3,5 hectares. Mais peut-être qu'il n'y aura jamais d'inondations..."
Un agrément bio menacé
Une argumentation que repousse Hubert Del Marmol. Pour lui, si la digue voit le jour, impossible de continuer à cultiver la parcelle. "La terre n'aura plus d'agrément biologique, puisque l'eau de la rivière en crue se sera chargée en pesticides, hydrocarbures, plastiques, etc, qui vont être bloqués par le barrage et se déposer sur ma terre. Et pire, ma terre sera morte. Les micro-organismes vivants, des millions par gramme de terre, sont aérobies. Si on les met deux jours sous eau, ils seront morts, c'est foutu !"
Le projet est soumis à enquête publique jusqu’à ce vendredi, le public peut faire part de ses remarques à la commune de Grez-Doiceau. Aboutira-t-il ? Il y a une dizaine d’année, le permis pour un ouvrage au même endroit avait été cassé au conseil d’état. Une procédure qui pourrait bien être à nouveau enclenchée cette fois.
François Namur - Images : Samuel Francis et Patrick Lemmens